Question de Caudine C.
Bonjour,
J’ai suivi la formation sur la dyspraxie avec Line Charron. Cette formation m’a été fort utile depuis. Je me permets de prendre qlq minutes de votre temps pour vous soumettre une problématique.
Depuis septembre2010, je vois un enfant de maternelle (5ans) qui vient d’avoir un diagnostic TED. A mon avis, les caractéristiques TED de cet enfant sont très légères. Il a par contre un gros trouble phono qui se caractérise par l’omission systématique de toutes les fricatives et du R (ex: sucon est produit uon, chauffé est produit aué etc).
Il y a également des transformations vocaliques mais qui sont constantes. Je ne suis pas certaine si je dois parler de dyspraxie compte tenu de la constance des processus. Par contre, je vois bien un certain tatonnement pour la production des phonèmes à l’isolé.
La mère travaille extrêmement fort. Elle a stimulé la production des phonèmes S, Z, F, et V (la production du trait de voisement n’a pas été facile).
A ma grande surprise, le transfert des acquis commence à se faire en conversation. Cet enfant m’impressionne pcq il est conscient de la présence de tous ces phonèmes qu’il arrive à anticiper. Par contre, il n’arrive pas du tout à produire le mot sans faire une coupure entre le phonème et la voyelle (ex: s erpent, pouss in). Ceci donne donc une production de phrase plutôt étrange!!!
Je n’arrive pas du tout à lui faire enchainer les fricatives avec la voyelle sans la coupure (les fins de mots sont bien sûr maintenant correctes). J’ai travaillé dans des syllabes simples, avec le support du geste etc… Avez-vous une autre solution???
un gros gros merci
Caudine C..
Orthophoniste
CSD…
Réponse de Line Charron
Bonjour Claudine,
1- Tout d’abord je vais tenter de répondre à ta première question à savoirà savoir comment déterminer si cet enfant présente une dyspraxie:
Pour cela je te référerais aux indicateurs de dyspraxie présenté lors de la formation et provenant de plusieurs auteurs américains (Velleman, Hammer, Strand, Bernthal, Flipsen et bien d’autres. On peut se référer à l’article dans Glossa aussi) en gardant en tête que les symptômes évoluent avec l’âge. Dans ce que tu écris le tâtonnement et la difficulté de transition d’un phonème à l’autre sont relativement typique de la dyspraxie verbale (DV). Les difficultés dans les transitions fait d’ailleurs partie des 3 indicateurs unanimement définis par les experts qui ont établi les lignes directrices de l’ASHA 2007 :
a-Erreurs inconstantes dans la production de la même syllabe ou du même mot (affectant les consonnes et les voyelles)
b-Allongement et/ou « coupures » des transitions d’un phonème ou d’une syllabe à l’autre
c-Prosodie inappropriée
J’ajouterais qu’il n’est pas nécessaire que TOUS les indicateurs soient présent au même moment.
Il pourrait être intéressant de fouiller les indices qui étaient présents en bas âge, soit dans les caractéristiques de ses productions ou dans l’histoire de développement.
Aussi étant donné l’interdépendance entre les aspects moteurs et plus purement phonologiques (linguistique) du phonème, il est loin d’être exclu que les deux composantes puissent être atteintes, donc important d’aller vérifier ces 2 aspects et les travailler selon les besoins.
2- Concernant la deuxième partie, l’acquisition de phonèmes :
Personnellement ça m’inquiète toujours un peu quand un enfant présentant une DV, acquiert très rapidement plusieurs phonèmes. Je m’explique…comme la difficulté principale chez l’enfant DV n’est pas l’acquisition de phonèmes (le phonotactique est plus atteint que le phonétique), mais de combiner ces phonèmes dans des mots (séquences de phonèmes et de syllabes), on recommande habituellement d’introduire prudemment les nouvelles cibles (phonèmes ou structure syllabiques) et de rapidement passer au travail dans les mots et les séquences de syllabes (Hammer, Bernthal, Flipsen etc…).
L’introduction de plusieurs nouveaux phonèmes peut être très difficile à gérer pour l’enfant DV. Il pourrait par exemple avoir PLUS de difficultés à savoir comment bien placer tous ces nouveaux sons dans les mots (ne met pas le bon phonème ou ne le met pas à la bonne place dans le mot), mêler les caractéristiques phonologiques de ces nouveaux sons, réaliser des placements articulatoires imprécis (ex. un « ch » entre le « s » et le « ch ») et ne pas améliorer nécessairement son intelligibilité… Si je ne me trompe, ça ne semble cependant pas être le cas de ton client.
3- Trucs pour travailler les transitions…Je te partage les miens…il y en a certainement d’autres :
– utiliser davantage l’intonation comme indice pour les transitions
– Travailler la cible en finale et tout de suite faire suivre d’une voyelle (ex. : la vaCHCH est belle, la vaCHCH est brune /va∫ԑbԑl/)=> la finale devient alors presqu’en position initiale….
– Travailler en reproduisant cette « coupure » dans les pratiques et en réduisant graduellement l’écart entre la consonne et la voyelle
– Allonger la fricative en relâchant/ouvrant doucement les articulateurs pour « accrocher » la voyelle( ex. : SSSSSSsssale)
– Essayer avec certaines voyelles facilitant la coarticulation (ex. : s+i, ch+o/ou,f+é)
– Récemment, j’ai réussi en utilisant l’indice de la DNP « ch », en faisant un long mouvement puis en transitant lentement vers la voyelle…
Si d’autres idées me viennent, je les ajouterai… tiens-nous au courant !!!
Bye!
Line Charron