INDICATEURS POUR DIAGNOSTIC DE DYSPRAXIE VERBALE

Question de Isabelle G

Bonjour Line,
Voici donc ma question

» je vois un enfant depuis 1an 1/2  (30taines de rencontres) et qui a maintenant 6 ans.  Est-ce que l’inconstance des productions et les erreurs de séquences sont des critères obligatoires pour conclure à une dyspraxie?

L’enfant qui fait l’objet de ma question respecte les structures des mots et est généralement constant dans ses erreurs (peu importe les contextes).  Toutefois, la prosodie est particulière (il finit généralement ses énoncés en montant de fréquence) ainsi que le rythme (il répète souvent la dernière syllabe ou le dernier son du dernier mot de son énoncé en prenant une nouvelle inspiration ex.: « J’ai mangé,   é, et après, è, j’ai bu. » ).  Il fait aussi les transformations suivantes qui affectent de manière significative son intelligibilité: -antériorisation des palatales et  des vélaires (belle évolution avec la rééducation; ces erreurs sont occasionnelles maintenant en contexte spontané; en voie d’acquisition) -erreurs de voisement/dévoisement sur plusieurs consonnes fricatives et occlusives (très résistant à la rééducation)                                                                           �
Son langage est globalement dans les normes.  Il a été vu dernièrement en ergothérapie et l’ergothérapeute voit des traits de dyspraxie mais les performances de l’enfant ne correspondent pas toutes à ses critères de dyspraxie et l’enfant évoluerait très bien depuis le début de son suivi.

En outre, j’ai fait passer à l’enfant quelques items du VMPAC et j’ai noté que les petites séquences de mouvements oro-faciaux étaient adéquates mais que l’enfant ne réussisait pas parfaitement toutes les séquences de phonèmes isolés et de syllabes couplées; ses productions étaient parfois laborieuses ou il rajoutait des « h » aspiré entre les items à répéter.  Il ne changeait toutefois pas la structure des syllabes.

Je dois conclure bientôt et je suis tentée de conclure à une dyspraxie verbale mais comme l’enfant respecte la structure des syllabes dans les mots et que ses erreurs sont constantes (productions prévisibles) j’hésite…
Pouvez-vous m’éclairer?
Merci !

Isabelle G
Orthophoniste


Réponse de Line Charron

Bonjour Isabelle, désolée de répondre tardivement et merci de ta question que tu n’es pas seule à te poser concernant les critères diagnostiques.

En fait… c’est vraiment un ensemble de critères qui fait qu’on arrive à un diagnostic de dyspraxie verbale. Oui l’inconstance des productions
est très fréquente chez l’enfant présentant une dyspraxie verbale parce qu’à la base les problèmes touchent la planification des mouvements. Oui les erreurs affectant la séquence des mouvements (se traduisant par l’ordre des syllabes et des phonèmes) est fréquemment touchée.

Il faut cependant garder en tête qu’il y a plusieurs types d’erreurs qui se retrouvent à la fois chez l’enfant présentant une atteinte praxique et chez l’enfant présentant une atteinte phonologique plus typique.

Il faudrait établir un tableau plus complet pour pouvoir s’avancer sur le diagnostic différentiel de cet enfant. Peut-être manque-t-il des informations pour conclure? Il serait intéressant d’enrichir les informations sur ses habiletés de perception phonologique par des tâches d’identification des contrastes phonologiques pour les phonèmes qui sont transformés (traditionnellement appelé discrimination auditive, ce qui n’est pas tout à fait juste car discrimination = pareil / pas pareil ….). Je reviendrai sous peu avec un petit « texte » pour parler du diagnostic différentiel et de certaines tâches d’évaluations pouvant nous aider.

Pour conclure… je ne me sentirais pas à l’aise pour l’instant de me positionner sur le diagnostic de dyspraxie verbale. Il importe d’aller appuyer les impressions cliniques d’une analyse approfondie des indicateurs ayant permis d’arriver à cette conclusion … si cela peut te donner une idée, je te cite un cours exemple d’une façon d’appuyer l’impression clinique…:

PAROLE ET PHONOLOGIE => …il ressort de façon assez claire que les productions phonologiques de l’enfant XX comportent plus d’erreurs avec l’allongement du mot, de l’énoncé ou dans des contextes plus spontanés.
Sur le plan de la structure syllabique, l’enfant XX est capable de produire des mots comportant jusqu’à 3 syllabes, les 4 syllabes sont plus rares. Il est très laborieux pour elle de respecter la structure syllabique de mots nouveaux, plus complexes (ex. : avec groupes consonantiques) ou plus longs. Même avec plusieurs formes d’aide, elle a besoin de beaucoup de pratique pour arriver à respecter la structure syllabique de ces mots.
Sans avoir évalué formellement la constance des productions, certaines inconstances sont notées ex camion /samjↄ̃/ /klamjↄ̃/ – hélicoptère /kↄptԑʁ/,/nekata/.

Plusieurs indices sur le plan phonologique, nous laissent suspecter la présence de difficultés praxiques affectant la parole de l’enfant XX :
-accroissement significatif des erreurs avec allongement ou complexification des mots ou énoncés; présence de complexifications, d’inconstances, de transformations des voyelles, grande amélioration de ses performances en ralentissant le rythme; pour sa part, l’amélioration avec un indice sur le mouvement à produire est variable. Les patrons d’erreurs affectent davantage la structure syllabique et les aspects phonotactiques.
D’autres indicateurs de dyspraxie, reliées à l’histoire de développement et au MOP s’ajoutent : Persistance d’un léger manque de contrôle salivaire; difficultés importantes aux séries diadochosinésiques; babillage tardif vers 12 mois; mots acquis perdu; aucune particularité n’a été notée au niveau de l’alimentation.

Alors je suis bien consciente Isabelle que ma réponse est partielle mais je l’espère toutefois « aidante »
merci BCP !!!!!!!
Line Charron MOA